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Chaud et humide
15 décembre 2013

TIME A TRANCHÉ : LE PAPE

Comme à chaque année, décembre est le mois des revues. Les grands médias reviennent sur l'actualité de l'année pour nous en présenter les faits saillants. Au magazine TIME, la tradition veut qu'on mette en page couverture du dernier numéro de l'an la personne qui, selon l'équipe éditoriale, a le plus marqué l'année. Cette année, le choix s'est porté sur le pape, François.

Pourquoi ce choix? Pourquoi retenir comme figure dominante de l'année un personnage controversé, à la tête d'une institution au moins aussi controversée? N'y avait-il pas d'autres choix plus judicieux?

L'insolite de la transmission de règne entre Benoît XVI et François a certes dû être prise en compte. La tradition catholique veut qu'un nouveau pape soit nommé lors du décès du pape en fonction, mais Benoît XVI a choisi de ne pas respecter cette tradition en abdiquant en cours de mandat. Pour une rare fois – et la seule depuis des centaines d'années - un pape fut élu alors qu'un autre vivait toujours. Avec pour résultat que nous avons aujourd'hui deux papes qui vivent toujours à Rome : l'ancien, Benoît XVI, et le nouveau, François. En soi, c'est une petite révolution que Rome nous a fait vivre avec cette démission et cette élection quasi immédiate. François, l'ex-cardinal Jorge Mario Bergoglio, né à Buenos Aires de parents italiens, fut d'abord supérieur des Jésuites d'Argentine. C'est à ce titre qu'il fut mêlé à une controverse où il est question de torture et d'assassinat de membres de cette congrégation ainsi que d'enlèvement et de disparition d'enfants de sympathisants opposés au régime au profit de familles proches du pouvoir argentin. Réputé proche du peuple, le cardinal Bergoglio n'a toutefois pas réussi à laver totalement sa réputation de ces allégations troublantes.

Maintenant à la tête de la toujours puissante Église Catholique Romaine, François semble vouloir mettre un peu d'ordre. D'abord aux finances où les rumeurs de corruption et de détournement de fonds sont persistantes. Puis ensuite dans les questions de moralité du clergé, et particulièrement celles du camouflage des crimes perpétrés par les prêtres homosexuels pédophiles et la scandaleuse immunité dont ils ont bénéficié avec la complaisance des autorités ecclésiastiques. Pour les grands changements de fond de la doctrine – contraception, avortement, homosexualité, mariage des prêtres, ordination des femmes - on devra attendre, semble-t-il, une autre génération de papes, car François, malgré une apparence d'ouverture, ne semble pas du tout disposé à s'attaquer à ces sujets.

Mais pourquoi le pape François au lieu d'un Edward Snowden? Plus que François, Snowden a retenu l'attention de toute la planète avec ses révélations fracassantes sur les abus des agences d'espionnage américaines et leurs alliées. Des révélations qui ont bousculé tous les gouvernements, qui ont ébranlé toutes les chancelleries et terrorisé toutes les ambassades du nord au sud, de l'est à l'ouest. Snowden s'est érigé en champion de la défense de la démocratie et des droits individuels face à un certain ordre mondial qui n'a aucune considération pour la vie privée et les droits de la personne. En coulant aux médias une information réputée « secrète », Snowden a démontré que, au nom d'un concept aussi vague et mal défini que la « sécurité de la nation », les États-Unis et quelques états satellites, dont le Canada, sont prêts à priver leurs citoyens de leurs libertés et de leurs droits les plus absolus.

Par sa bravoure et son sens de la justice et du renoncement, Edward Snowden a certainement marqué l'imagination de citoyens du monde au moins autant et sinon davantage que l'ex-cardinal Bergoglio... alors pourquoi pas la première page du TIME? La réponse est toute simple. TIME est une publication américaine financée à même les revenus publicitaires des corporations américaines, souvent républicaines, généralement conservatrices. Et si François ne dérange personne dans ce milieu, on ne saurait en dire autant d'Edward Snowden. Dans un pays où tous les billets de banque portent l'ostentatoire « In God We Trust », le choix ne fut pas compliqué.

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